Assurance construction : les responsabilités des constructeurs
Les constructeurs sont soumis à un régime spécifique de responsabilité. Le point sur l’assurance.
Vous êtes considéré comme constructeur (article 1792-1 du Code civil) si vous êtes :
- architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage. Le contrat de louage d’ouvrage est la convention par laquelle un maître d’ouvrage, c’est-à-dire la personne pour le compte de qui l’ouvrage est réalisé, traite directement avec une ou plusieurs personnes ou entreprises pour sa réalisation.
- vendeur après achèvement d’un ouvrage que vous avez construit ou fait construire.
Vous êtes également concerné si vous êtes vendeur d’immeubles à construire, promoteur immobilier, constructeur de maisons individuelles ou contrôleur technique.
Si vous intervenez en tant que sous-traitant, vous n’avez pas, légalement, la qualité de constructeur parce que vous n’avez pas de lien direct avec le maître de l’ouvrage. Votre responsabilité civile à l’égard du donneur d’ordre (l’entreprise principale) et du maître d’ouvrage peut néanmoins être engagée.
Pendant les travaux
Du début des travaux à leur réception, vous supportez tous les risques affectant vos travaux (article 1788 du Code civil).
Ainsi vous êtes responsable des dommages qui surviennent à vos travaux pendant leur exécution quelle qu’en soit la cause : le vol, la dégradation des matériaux, ou la perte de l’ouvrage, détruit par un incendie de cause inconnue, alors que la réception n’a pas eu lieu, restent à votre charge.
Après la réception des travaux
Les constructeurs sont responsables envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage en cas de malfaçons affectant les travaux de construction réalisés. Ainsi, après la réception des travaux, vous êtes tenu à trois types d’obligations légales limitées dans le temps.
La garantie de parfait achèvement
Pendant un an après la réception, vous devez réparer tous les désordres, de nature décennale ou non, signalés par le maître d’ouvrage lors de la réception ou durant l’année qui suit.
La garantie de bon fonctionnement
Pendant deux ans, vous êtes tenu de réparer les défauts qui affectent le bon fonctionnement des équipements dissociables du corps de l’ouvrage sans détérioration de leur support tels que des radiateurs électriques, une climatisation…
L’assurance de cette garantie est facultative mais vivement recommandée.
La responsabilité civile décennale
Pendant dix ans après la réception, vous êtes responsable envers le maître de l’ouvrage des dommages, y compris ceux provenant d’un vice du sol, qui :
- compromettent la solidité de l’ouvrage ;
- affectent la solidité d’un de ses éléments indissociables. Un élément est considéré comme indissociable lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peuvent s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de l’ouvrage ;
- rendent l’ouvrage impropre à sa destination, celui-ci ne pouvant dans ce cas remplir la fonction à laquelle il est destiné.
La loi vous oblige à souscrire une assurance décennale pour couvrir cette responsabilité.
Avant et après réception des travaux
Votre responsabilité civile peut être recherchée par le maître d’ouvrage et des tiers pour des dommages corporels, matériels ou immatériels causés à l’occasion des travaux réalisés qui ne touchent pas l’ouvrage.
Les conseils de l’AQC (Agence Qualité Construction)
En qualité de constructeur vous devez souscrire une assurance de responsabilité civile décennale à l’ouverture de tout chantier (article L. 241-1 du Code des assurances). Le non-respect de cette obligation est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois et/ou d’une amende de 75 000 euros.
Lorsque l’assurance est obligatoire, les constructeurs doivent indiquer sur leurs devis et factures
- l’assurance professionnelle qu’ils ont souscrite au titre de leur activité ;
- les coordonnées de l’assureur et du garant ;
- la couverture géographique de leur contrat d’assurance ou de leur garantie.
Quelle est l’étendue de l’assurance de responsabilité civile décennale ?
Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage lorsque la responsabilité du constructeur est engagée. La garantie couvre les dommages matériels résultant de vices cachés lors de la réception et révélés dans un délai de dix ans à compter de la réception.
Les dommages doivent être d’une certaine gravité et avoir pour conséquence de compromettre la solidité de l’ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination.
Quels sont les ouvrages concernés ?
Cette obligation d’assurance concerne les travaux de construction et porte aussi bien sur les travaux neufs que sur les travaux de rénovation.
Une exception : si vous réalisez certains ouvrages bien spécifiques, vous n’êtes pas soumis à l’obligation d’assurance. Il s’agit notamment d’ouvrages se rattachant au secteur du génie civil, des voiries, ouvrages piétonniers, parcs de stationnements, réseaux divers, canalisations, lignes ou câbles ou leurs supports, ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d’énergie, ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, ouvrages de télécommunications, ouvrages sportifs non couverts ainsi que leurs éléments d’équipement (Article L. 243-1-1 du Code des assurances).
Il en est de même si vous installez des éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage (par exemple : chaîne de montage dans une usine, système d’alimentation automatisé pour les animaux…).
Quelles sont les limites légales de la garantie ?
Le plafond légal de la garantie
Le montant de la garantie en assurance de responsabilité civile décennale peut, pour des travaux de construction destinés à un usage autre que l’habitation, être plafonné à 150 millions d’euros.
La franchise obligatoire
L’assurance comporte systématiquement une franchise, dont le montant varie selon les contrats. Cette franchise n’est pas opposable aux victimes. L’assureur indemnise intégralement le lésé et se fait ensuite rembourser par l’entreprise responsable.
Les exclusions
La garantie ne s’applique pas aux dommages résultant exclusivement :
- du fait intentionnel ou de l’intention de frauder de l’assuré (tromperie sur la qualité des matériaux…) ;
- de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal ;
- de la cause étrangère (incendie volontaire causé par un tiers, vandalisme…).
La déchéance
L’assuré peut perdre tout droit à garantie notamment en cas d’inobservation inexcusable des règles de l’art définies par les réglementations en vigueur, les normes françaises homologuées ou les normes publiées par les organismes de normalisation des autres Etats membres de l’Union européenne ou des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen, offrant un degré de sécurité et de pérennité équivalent à celui des normes françaises.
Que faire en cas de refus d’assurance ?
Si l’assureur refuse de faire une offre d’assurance, vous avez quinze jours pour saisir, par lettre recommandée avec accusé de réception, le Bureau central de tarification (1, rue Jules Lefebvre, 75009 Paris).
Le bureau central de tarification a pour rôle exclusif de fixer le montant de la cotisation moyennant laquelle la société d’assurance est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.
Est assimilé à un refus :
- le silence de l’assureur pendant plus de quarante-cinq jours après réception d’une demande de garantie ;
- le fait, par l’assureur saisi d’une demande de souscription d’assurance, de subordonner son acceptation à la couverture de risques non mentionnés dans l’obligation d’assurance ou dont l’étendue dépasserait les limites de l’obligation d’assurance.
Elles sont proposées par les assureurs pour compléter la garantie obligatoire de responsabilité civile décennale.
La garantie de bon fonctionnement
Elle concerne les éléments d’équipement dissociables dont la détérioration ne porte atteinte ni à la solidité ni à la destination de la construction.
La garantie des dommages immatériels consécutifs
Elle couvre les dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel relevant de la garantie décennale.
La garantie des dommages aux existants
Elle couvre, dans les dix ans suivant la réception des travaux neufs, la réparation des dommages matériels subis par les parties de l’ouvrage existant, du fait de l’exécution des travaux neufs à condition que ces dommages :
- rendent la partie de l’ouvrage existant avant les travaux impropre à sa destination ou portent atteinte à sa solidité ;
- soient la conséquence directe de l’exécution des travaux neufs et non des propres défauts des parties préexistantes.
Par existants, on entend les parties anciennes d’une construction existant avant l’ouverture du chantier sur, sous ou dans lesquelles sont exécutés les travaux.
La garantie de responsabilité du sous-traitant en cas de dommages de nature décennale
Cette garantie couvre le paiement des travaux de réparation des dommages de nature décennale apparus après réception, lorsque la responsabilité de l’assuré est engagée du fait des travaux de construction soumis à l’obligation d’assurance, qu’il a réalisés en qualité de sous-traitant.
Vos responsabilités du fait des travaux sont couvertes, d’une part, par l’assurance de responsabilité civile générale, dite responsabilité civile exploitation et d’autre part, par l’assurance de la responsabilité civile après travaux qui couvre les dommages causés, après leur livraison.
Outre ces garanties accordées traditionnellement à toute entreprise quel que soit son secteur d’activité, les contrats d’assurance comportent le plus souvent des garanties spécialement adaptées à votre activité de constructeur.
La garantie des dommages causés aux tiers
Elle couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile incombant à l’entreprise à raison des dommages causés aux tiers, y compris au maître d’ouvrage et autres entreprises intervenant sur le chantier, du fait de ses travaux. Sont notamment couverts les dommages causés aux immeubles voisins, aux biens confiés.
La garantie des dommages causés aux avoisinants
Les avoisinants sont les biens immobiliers sur lesquels le constructeur n’intervient pas et qui appartiennent :
- au maître de l’ouvrage et qui sont sans contiguïté avec l’ouvrage de construction sur lequel l’assuré intervient ;
- à des tiers et à proximité desquels l’assuré réalise les travaux.
La garantie des dommages causés aux objets confiés
Les objets confiés, c’est-à-dire les biens mobiliers appartenant à des tiers et sur lesquels intervient l’assuré pour l’exécution d’une prestation relevant de son activité peuvent aussi être couverts.
La garantie des erreurs d’implantation
L’erreur d’implantation se détermine généralement par rapport aux règles d’urbanisme, aux obligations du permis de construire, limites de propriété, plans et documents contractuels remis à l’assuré avant démarrage des travaux.
La garantie des travaux par points chauds
Elle concerne les entreprises qui exécutent des travaux comportant des opérations de soudage ou de découpage, ou d’autres travaux quelconques à la flamme. L’entreprise doit respecter ou faire respecter les consignes de sécurité prévues dans le contrat d’assurance.
En cas d’inobservation d’une ou de plusieurs de ces consignes, une franchise est généralement laissée à la charge de l’entreprise.
La garantie des frais de recherche des désordres
Elle concerne les frais engagés ou dus par le constructeur pour localiser l’origine des désordres se révélant dans un ouvrage ou dans les travaux auxquels il a participé, si les conséquences de ces désordres sont garanties par le contrat.
La garantie effondrement de l’ouvrage avant réception
Les assureurs assimilent généralement à l’effondrement, sa menace grave et imminente. Sont donc garanties les dépenses engagées pour y remédier, y compris les travaux de démolition, de déblaiement, de dépose ou de démontage éventuellement nécessaires.
L’assurance des dommages subis par l’assuré avant réception
En dehors de la garantie effondrement de l’ouvrage avant réception, les assureurs proposent de couvrir d’autres dommages matériels accidentels aux ouvrages, aux matériaux sur le chantier, aux installations, matériels de chantier notamment les dommages d’incendie et ceux subis à l’occasion d’attentats, d’actes de vandalisme, de tempêtes ou en cas de catastrophes naturelles. Les limites de cette garantie sont contractuelles et peuvent varier selon les contrats d’assurance.
La réception : un acte important
La réception est l’acte par lequel le maître d’ouvrage accepte l’ouvrage, avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. En tout état de cause, elle est prononcée contradictoirement, aussi, constructeurs et maître de l’ouvrage doivent-ils être présents, représentés ou tout au moins dûment convoqués.
Le plus souvent, la réception résulte d’un écrit (procès-verbal amiable ou jugement) qui bien que non obligatoire est fortement recommandé. La prise de possession des lieux ou le simple paiement des travaux ne peuvent être assimilés à une réception tacite que s’ils traduisent la volonté non équivoque de l’intéressé d’accepter l’ouvrage.
La réception transfère la garde de l’ouvrage du constructeur au maître de l’ouvrage, le constructeur n’est plus responsable des dommages apparents non signalés. La date de réception des travaux avec ou sans réserves, marque le point de départ des délais, des responsabilités et des garanties.